Cher tous, et pour répondre à HerveMARY et Jean_Philippe_RYO, bien sur, contrairement à vous je ne pense pas que l'entreprise libérée soit une bonne chose, loin de là... (Encore faudrait-il d'ailleurs que nous parlions de la même chose. La définition de l'entreprise libérée étant particulièrement floue, c'est d'ailleurs pour cela que dans un premier article j'avais donné ma définition, reposant sur le business model de ces entreprises).
Le problème n'est d'ailleurs pas sur le court terme, mais sur le long terme. Les sociologues, les psychologues, les gestionnaires et les économistes se sont interrogés depuis maintenant de nombreuses années sur l'impact des logiques et politiques d'autonomisation, pratiques qui sont au coeur du réacteur de la libération.
L’autonomie comme principe explicite de gouvernement pour favoriser la réactivité optimale des réponses locales réunit depuis les années 70, un certain consensus dans la littérature managériale : « la participation directe est utilisée comme un moyen de générer l’implication, la motivation et la coopération du personnel. Il s’agit d’un effort mis en oeuvre par le management pour gagner un engagement actif des salariés et pour les persuader de travailler bien et beaucoup » (Geary et Sisson, 1994). « L’autonomie n’apparaît plus comme complémentaire mais comme constitutive de la performance » (Henriet, 1998).
Bon nombre d’études qui ont évalué les pratiques de « délégation participative » ont tenté de le faire à l’aune de la dialectique autonomie/contrôle avec une hypothèse implicite : le développement de l’autonomie et de la responsabilité signifie une évolutions du contrôle des comportements au travail.
Les deux concepts semblent s’opposer, il n’en va pas de même des pratiques. Bien vite, psychologues, psychosociologues, sociologues et gestionnaires ont proposé de considérer que se développaient, conjointement au processus d’autonomisation des individus et des groupes dans l’organisation autant de dispositifs mis en oeuvre par le management pour « garder le contrôle ». C’est ainsi qu’on a pu décrire des formes de fausse autonomie (Maggi, 1993), de semi-autonomie (Liu, 1984) d’autonomie contrainte ou formalisée (Coutrot, 1996 ; Courpasson, 1997), mais en tous les cas contrôlée (de Tersac, 1992 ; Francfort et alii, 1995 ; Bué, 1996…). A l’appui de cette vision assez critique, Boltanski et Chiapello (1996) mettent en avant le prix à payer de ce mouvement de responsabilisation : « l’autonomie a été échangée contre la sécurité » et dénoncent, tout comme Courpasson (1997, 2000), des formes d’oppression et de domination.
Alors, bien sur il faut faire évoluer les fonctionnements au sein de nos organisations, toutefois, les notions de confiance (trop souvent factices) d'autonomie et de responsabilisation ne sont pas aussi positives que l'on croit, d'ailleurs que penser de cette entreprise ou des salariés ont porté plainte pour harcèlement moral collectivement contre leur employeur qui tenait à les libérer ? Il n'y a pas de réponse toute faite et malheureusement dans le buzz médiatique actuel ou tout devient entreprise libérée la proportion d'entreprises ayant une véritable réflexion en amont est ridiculement faible. C'est en effet une logique de dosage et de temps, de temps long ...