Hello,
A ta demande, pour compléter les éléments de réflexion que je t'avais soumis :
Après le taylorisme et le modèle bureaucratique, c'est le management stratégique qui domine. Mais en fait, c'est une forme incomplète de participatif, voire du pseudo-participatif. C'est le top management qui pilote, de façon plus ou moins souple (dialogue) avec les équipes, cela conduit "à négocier" des objectifs (de production, de résultats attendus...) qui restent dans le moule de l'entreprise, de ses objectifs. Tout cela est donc trés orienté (application de la "Stratégie") et chacun y joue son jeu de rôle tel qu'attendu ("the right man at the rigth place", "si ça te convient pas, tu peux aller ailleurs plutôt que de m'em...béter"). L'encadrement intermédiaire est le principal garant de la bonne application des règles.
Un gain d'agilité, c'est accepter le risque de destabiliser l'organisation. Au dela de l'insécurité, c'est la résistance au changement de l'encadrement intermédiaire qui me semble le premier obstacle. Ils ont vraiment un rôle ingrat...et deviennent souvent des pavés autobloquants qui fait que c'est difficile de bouger le système.
Comment développer de la souplesse ?
- Peut-être par l'explicitation des enjeux du Top management vers les encadrants intermédiaires : reconnaître en premier lieu la nécessité d'assurer un fonctionnement réglé/organisé des équipes et les remercier du boulot qu'ils réalisent...mais reconnaître aussi que les marges de progrès et d'innovation se trouvent essentiellement dans la façon dont au quotidien chacun détourne, compose et fait face aux imprévus, aux dysfonctionnements, négligeant même des opportunités. Et que ces points sont pourtant des éléments clefs de la pérennisation de l'entreprise, de motivation ou de démotivation des salariés.
- Proposer de lancer des expérimentations, d'abord trés basiques, pour stimuler une autre façon de travailler ensemble. Définir avec eux un objectif en terme de valeur (pas un résultat ! car d'emblée le droit à l'échec doit être reconnu et considéré comme enrichissant), une méthode (groupe de travail collaboratif ? un animateur ? mode de validation du lancement des expé ? modalités de suivi par le top management/encadrants ? ...) et la façon de valoriser les parties prenantes engagées (en visant toujours la reconnaissance d'un collectif).
Bref, l'idéal, pour l'amorçage, c'est que les équipes de travail puissent proposer/soutenir les candidats volontaires pour faire évoluer une pratique de l'entreprise sur un sujet qu'ils connaîssent bien (en lien avec le travail réèl et/ou des compétences non utilisées).
Mais tout cela est bien difficile à mettre en oeuvre : le système collectif se protège trés vite par l'immobilisme et fonctionne comme un étouffoir...
Ce qui peut éventuellement marcher le mieux, c'est d'engager une telle démarche à l'échelle d'une équipe majoritairement volontaire et non de plusieurs. D'ailleurs, cela se fait déjà, sans bruit, avec des chefs d'équipe/encadrant ouverts, et sans que le top management le sache forcément...Car il est paradoxalement plus facile/rapide pour une équipe de production de s'organiser/réorganiser pour tenir compte des conneries du bureau d'étude plutôt que de faire évoluer les méthodes de travail de ce bureau d'étude...idem entre acheteurs, comptable, commerciaux, RH...les silos habituels...
Par contre, si le top management valorisait déjà ces stratégies d'adaptation des équipes, les rendait visibles ...alors, ce serait reconnaître l'implication des salariés, leur ingéniusité...et diffuser un autre modèle de règlement des pb du quotidien sans révolution : et ça, ça rassure et doucement ça propage une autre façon de travailler, prend en compte les réalités du travail et ne personnalise pas sur quelqu'un/service/équipe une incompétence responsable de tous les maux. Après, dans un climat de confiance, on peut avancer sur du transversal, de l'inter silo.
Pour terminer, si tu me lis encore !, le management stratégique reste du développement de la performance essentiellement sur des acquis (et plutôt" en mode raisonnement binaire : ça marche ou ça ne marche pas, un point c'est tout"), c'est de "l'agir stratégique", c'est "exploiteur" au bon sens du terme et c'est la conception idéale du moment....mais c'est insuffisant pour regénérer le système à moyen/long terme. Le management stratégique est une partie d'1 boucle d'une organisation qui devrait aussi intégrer de "l'agir communicationnel", càd une capacité à explorer, à remettre en question des acquis, des systèmes de valeurs et de pratiques internes et à les partager ensemble dans un climat de confiance pour découvrir/construire de nouvelles solutions, des apprentissages collectifs (plutôt en mode "raisonnement partagé : ça pourrait marcher à 3 ou 4 conditions ..."). Ce "socio-management" est la seconde partie de la boucle, le mode "exploratoire", trés ancré dans le dialogue et l'acceptation de l'intersubjectivité (tout est relatif, rien n'est jamais acquis, etc...). Il ne marche que dans les organisations où le top management /encadrement accepte ce type de fonctionnement en boucle pour eux mêmes : exploration/exploitation-organisation/exploration...qui conduit à accepter la critique, le changement et à arriver là où on ne s'y attendait pas !.
Sociologiquement, par son histoire perso, il y a des profils plus agiles dans le mode "exploitation" (cadre directif) et des profils plus adaptés au mode "exploration" (cadre libre)...se connaître et connaître les capacités de chacun permet aussi d'éviter le stress, de valoriser les compétences en les nommant bien !
Références : l'Agir communicationnel d'Habermas (père philosophique de la constitution européenne), et une perle en économie et management des organisations : Roland Calori.
Expériences : je travaille dans l'administration...et je fais du soutien aux entreprises... donc, oui, c'est du vécu...faut commencer petit, valoriser les bonnes pratiques...et quand c'est parti...c'est parti ! on arrête plus les gens, c'est vraiment super, mais toujours trés fragile...c'est une façon d'être minoritaire (souvent traité de "bisounours", terme trés à la mode des agents stratégiques "basiques" pour décrédibiliser les explorateurs communicationnels...)