La gouvernance de l'internet, engagée par/avec Robert Tréhin en 77/79, est devenue un énorme morceau international qui a fait l'objet de deux sommets mondiaux de l'ONU, poursuivis par un forum annuel mondial et de fora nationaux (comme en France). D'un très grand nombre d'organisations dites "coalitions dynamiques", d'organisations de support dans le cadre de l'ICANN, du site référentiel du IANA pour le DNS (nommage), d'innombrables réunions et de listes de travail, d'organisations de normalisation comme l'IAB, l'IETF, le W3C, de centaines de sites web, etc., et de lois dans tous les pays. Et beaucoup, beaucoup d'experts autoproclamés !
Ceci a montré deux points de consensus mondial (ONU, déclartion de Tunis) importants :
- la société que nous voulons, et donc son réseau doit être "people centered"/"à caractère humain"/"centrada en la persona" - et non comme c'est le cas centré sur le dollar.
- la gouvernance de la cybernité est une intergouvernance entre le domaine régalien, la société civile, le secteur privé et les organisations internationales, optimalement ***à niveau égal***. On appelle cela le "multipartieprenariat".
Pour acclimater le sujet
Je dirais que https://fr.wikipedia.org/wiki/Gouvernance_d%27Internet, https://fr.wikipedia.org/wiki/Forum_sur_la_gouvernance_de_l%27internet, et http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-etrangere-de-la-france/diplomatie-numerique/numerique-et-enjeux-internationaux/gouvernance-internationale-d-23592/ sont des bonnes portes d'entrée avec l'intro de l'UNESCO http://fr.unesco.org/themes/gouvernance-linternet.
Qu'est-ce que l'internet ?
Toutefois, il convient de savoir de quoi l'on parle. L'internet n'existe pas. Ce qui existe est l'écosystème digital (digisphère) dont l'interconnexion de nos machines et des lignes que nous payons "de prise à prise" (plug to plug) forme le "catenet" (le "réseau des réseaux" de Louis Pouzin [INRIA - 1973]). Trois architectures de gestion de ses interconnexions s'y sont succédé :
(1) Tymnet qui était une technologie d'échange de bytes et de métadonnées entre serveurs d'accès utilisateurs où toute technologie et tout service étendu (sur les données) pouvait être supporté. L'évolution de Tymnet (Tymnet III) était l'intersem, c'est-à-dire le support sémiotique de tout interlien, pour supporter le but ultime de l'intercompréhension "brain to brain".
(2) CCITT de l'UIT (union internationale des télécoms) qui était principalement supportée par Tymnet, Transpac (utilisé pour le Minitel) et Telenet (développeurs du prototype TCP/IP) : une technologie sûre, conforme aux normes internationales UIT et ISO. L'on peut dire en termes internet qu'il s'agissait d'une approche "fringe to fringe" selon les termes de la RFC 1958 qui définit l'architecture de l'internet.
(3) la régression (sans couche 6 présentation) au TCP/IP primaire en raison de son intégration à Unix et du soutien politique du miltaro-industriel pour une technologie purement US. Cette technologie a été améliorée par le Web : il a introduit des éléments de couche six (d'où son succès côté utilisateur) sans améliorer sa sécurité (d'où son succès côté NSA). Le projet initial de l'internet était (a) d'étendre mondialement le catenet d'ARPANET, puis (b) d'évoluer vers un remplacement de Tymnet pour une évolution permanente.
La stratégie américaine consiste à :
(1) tirer avantage des limitations de TCP/IP intrinsèques ou ménagées (ainsi l'unicité dite nécessaire de son nommage alors que la technologie installée en supporte ... des millards)
(2) pour ériger les USA en gendarme du réseau rendu nécessaire par la régression initiale d'un protocole qui n'a pas évolué depuis 1983.
Politiquement cette situation était devenue impossible à tenir. En s'en retirant (les autres états ne peuvent que faire de même) au profit d'un "truc qui n'existe pas" (l'ICANN est une société californienne sans membre, ce que l'on appelle en main morte) ils bloquent toute possibilité d'évolution structurelle douce vers une organisation internationale (qu'ils vouent aux gémonies comme "non démocratiques", les Etats ne représentant pas leurs peuples) et laissent donc les choses à (leur) industrie (car dominante) et à la société civile.
L'a priori politique est que la société civile n'ayant pas la capacité technologique de les contrer, ce sera "blahblahblah" contre "technodollars", d'autant qu'il en est de même pour le numérique (tout ce que nous faisons avec le digital) où la puissance économique des "edge providers" (GAFAM) et des médias (Hollywood, etc.) permet de manipuler l'ignorance des utilisateurs (ex. Apple, Google).
La réponse qu'il faudra apporter
- techniquement assez simple (encapsuler l'internet dans une utilisation de frange à frange, installant la couche six chez chacun, avec dégradation possible au seul TCP/IP si toutes les franges ne sont pas supportées). C'est à la portée de quelques développeurs (mais faut encore les trouver et les faire adhérer à une stratégie qu'ils pensent porteuse) et d'utilisateurs pilotes.
- économiquement jouable (autofinancement en LIBRE par un fonds commun de développement, style fondation Apache, etc.)
- sociétalement incertaine (il faut convaincre beaucoup de gens/politiques/investisseurs de s'écarter d'un "netcorrect" pour lequel ils se sont déjà commis et/ou où ils ont déjà investi, et/ou où ils travaillent !
La défense de la société civile
En ce qui concerne la quadrature du net, c’est certainement une organisation qui se bat dans le bon sens ! Mais contre les moulins à vent que sont nos politiques et qui brassent un air sur lequel ils n’ont pas d’influence. La base sociétale de la cybernité (c’est-à-dire de l’environnement humain où les choses sont monolectiquement réflexes – autorégulées ou monolectiques) est « code is law ». La loi ne peut que partir du code source en vigueur. Elle peut interdire l’utilisation de certains logiciels, contraindre certaines pratiques ou autoriser localement certaines contradictions à la loi locale, mais pas modifier l’architecture du système mondial ambiant.
C’est pourquoi c’est au niveau de l’architecture qu’il faut agir. Ceci est infrastructurellement impossible (Orange, Free, etc.) mais pas intrastructurellement (la manière de présenter nos données à nos machines et à nos bots).
Cyberdéfense
Ceci soulève bien entendu le problème de cyberdéfense nationale que personne n’approche encore réellement (la cyberdéfense française concerne la protection des forces au cours de leurs missions spécifiques, mais pas la cyberdéfense de la nation et de ses citoyens, tandisque le ministère de l’Intérieur est concerné par le risque terroriste). L’idonet (internet des objets) fait de chaque CPU un détonateur potentiel. La question va devoir être sérieusement abordée et le domicile, la mémoire, etc. découplés du cyberrisque. C’est le rôle de la couche six présentation manquante, sur le présupposé que la NSA et la police doivent pouvoir pénétrer dans notre for cyberinterne.
En décider est une question citoyenne que ne traitent pas beaucoup les candidats primaires.